Créer l’illusion


Tandis que la Renaissance commence à éclore en Italie, au début du XVème siècle, la perspective fait une entrée triomphante dans l’art pictural.  La perspective, c’est la technique qui permet de créer une illusion de profondeur sur une surface plane.
Jusqu’à cette invention, il y avait le regard, il y avait les sens et il y avait des images qui racontaient des histoires sans pouvoir approcher l’impression que la lumière passant à travers les yeux forme dans le cerveau humain.
Sur une surface plane de papier, de toile ou de pierre, ce qui était au loin était petit parce que ce qui est loin est petit et il fallait une acrobatie de l’esprit pour mettre de la profondeur dans la platitude d’une représentation.
L’expérience était une complice de chaque instant.
Quiconque marche à pied ou au pas du cheval sait parfaitement le temps qui sépare un village de l’autre et mesure « d’instinct » la distance qui existe entre un premier plan géant et un plan minuscule en arrière.

Avant la Renaissance, il y eu le Moyen-âge, une longue période de dix siècles entre l’Antiquité et les Temps Modernes comme dit le dictionnaire… Et c’est au cours de ce Moyen-âge que les langues européennes nomment enfin le bleu.
Avant, il y avait le ciel par temps clair, il y avait de l’eau sous du ciel sans nuages, il y avait aussi le lapis-Lazuli, l’azurite et  l’indigo, mais la couleur « bleu » restait dépourvue de nom.
Le noir, le blanc, le rouge étaient nommés depuis l’Antiquité, puis s’ajoutèrent le vert et le jaune… Le bleu restait une nuance du blanc (d’où son étymologie) ou une variété du noir. A l’apparition du vert, le bleu qui n’existait pas était parfois une variété de vert…

Imaginez un monde où personne n’aurait l’idée de dire  » c’est génial ce ciel bleu »  en regardant le ciel bleu.

Depuis le début de la Renaissance, seulement cinq siècles se sont écoulés.
Aujourd’hui, on se balade virtuellement dans des paysages, dans des monuments, on joue (pour de vrai! C’est à dire qu’il existe un véritable jeu…bien que le véritable jeu ne soit pas joué en réalité puisque le joueur est enfermé dans son appartement et pas sur un véritable terrain… Vous suivez ?) au tennis, au golf ou au foot  devant un écran.
Nous vivons dans un monde d’illusions, bien à l’abri au coeur de nos cités que certains trouvent insuffisamment sécurisées.

Et de l’illusion nait l’illusion.

Et de la réalité de l’illusion, nait la certitude de vérités illusoires.
Qui est encore capable au quotidien d’agiter son environnement dans tous les sens pour en extraire un bon sens un peu humain?
Qui?
Je ne sais pas.

Sur la photo posée en illustration de ce billet, si je vous demande la couleur du mur, vous allez me répondre : « il est blanc » et c’est une réponse logique parce qu’il est recouvert d’une peinture bourrée de pigments blancs. Pourtant, le blanc ne saute aux yeux que sur la partie ensoleillée, sur le reste de l’image, le mur est gris. (A noter que nous savons actuellement nommer aussi le gris)
Gris, entre gris clair et gris plus foncé, mais gris!

Et le ciel?

Le ciel est bleu.
Oui, mais la partie du ciel qui se situe entre les murs, de quelle couleur est-elle?
Mais, il n’y a pas de ciel entre les murs.
Il n’y a pas de « ciel » entre les murs?
C’est quoi alors « le ciel »?

Une illusion?

2 réflexions sur « Créer l’illusion »

  1. Frédérique

    J’adore la photo de cet article 🙂

    Ce billet me rappelle un bout de conversation que nous avions eue. T’en souviens-tu ? Quand je te disais que ma perception du monde était peut-être différente de celle des autres… que ce que je nomme bleu (pour reprendre cette couleur) est peut-être ce que je nommerai vert si j’étais dans la tête de quelqu’un d’autre. Et pourtant ce vert serait bien du bleu pour cette autre personne… vertigineux ! 😀

    L’illusion… ça aussi, cela me rappelle une autre conversation, sur l’illusion de ce monde. Je ne comprenais, comment peut-il être illusoire (au sens « mystique » du terme… par là je pense aux bouddhistes et hindouistes) ? Car quand je me cogne, je me fais mal et ça, c’est très réel 😀 De quelle illusion parlons-nous alors ? Je n’ai pas la prétention d’avoir la réponse à cette question, mais juste quelques débuts de pistes.

    1. Joelle Auteur de l’article

      🙂 Je me souviens parfaitement de cette conversation au sujet du rendu d’une couleur (d’une longueur d’onde, donc) une fois qu’elle est passée au filtre de notre cerveau.
      je me souviens ne pas avoir beaucoup insisté pour creuser car la « vision » des couleurs est extrêmement personnelle au point qu’il existe des nuanciers sur lesquels il est possible de trouver un point d’entente. A l’époque, j’ignorais encore que les couleur ne furent nommées que très tardivement à l’échelle de l’humanité et à celle des langues que nous connaissons. Pourtant nous sommes entourés de couleurs selon notre perception humaine et pourtant si cette perception des couleurs est exacerbée chez les insectes butineurs qui lui doivent leur survie (une histoire d’adaptation en fait), elle est imperceptible pour d’autres animaux…
      Et quand je pense à toutes les personnes qui jouent à fond la carte anthropomorphique avec les animaux qui n’ont pas vraiment le même décodage sensitif que nous… Mais c’est un tout autre sujet! (une idée de billet aussi…)

      L’illusion…
      J’en reste à cette définition : http://www.cnrtl.fr/definition/illusion
      Le sens « mystique » du terme? Serait-il question de l’illusion cosmique, ce terme qui essaye d’interpréter à la sauce occidentale moderne le « mâyâ » sanskrit à l’aide de deux mots l’un de racine latine (illudo,ere, luis, lusum : jouer, se jouer) l’autre grecque (Kosmos : ordre, bon ordre, parure et par extension univers… En russe, est « kosmos » ce qui tourne…)
      Je n’ai aucune idée de ce que pouvait représenter mâyâ à l’époque où le sanskrit était une langue vivante.
      J’aime beaucoup ton exemple : quand je me cogne, je me fais mal et ça, c’est très réel » car il nous fait plonger dans l’illusion des mots, dans le jeu des mots… et des maux par extension!
      Tu aurais pu écrire « quand je ME cogne, ça me fait mal et ce « mal » est très réel »
      Tu aurais pu écrire  » quand une partie de mon corps heurte par inadvertance un corps étranger ( à préciser), je ressens quelque chose de désagréable que je nomme douleur et cette sensation est très réelle pour moi »
      Tu aurais pu écrire plein de choses pour raconter plus ou moins précisément ce que tu penses du « réel », car il s’agissait bien d’opposer la réalité à l’illusion, non?
      Et oui, je suis joueuse…
      Merci vraiment pour tes commentaires qui me poussent, m’entrainent et me ravissent de manière très réelle! 🙂

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