Douter sans aucun doute

Le doute est une attitude philosophique et les citations sont innombrables.
Les proverbes de même.
Impossible de compter le nombre de fois où j’ai pondu un p’tit billet au sujet du doute, il est même fort probable que quelques bribes de ces réflexions aient eu l’audace de s’immiscer dans plus d’un de mes livres.

C’est que contrairement à ce que d’aucuns voudraient nous faire croire, le doute est indispensable et très très bénéfique. Le doute est une porte ouverte vers plus loin et plus haut, une porte largement ouverte.
Non, en fait, le doute est le seuil.
Le seuil à franchir pour passer.
Et bien évidemment c’est la présence du seuil qui est effrayante.

Regardez les enfants qui commencent à marcher, regardez les buter sur les seuils de porte et recommencer et tenter et finalement passer fiers et glorieux, sous les encouragement des parents téméraires.
Oui, il existe aussi des parents timorés, sans la moindre confiance dans les capacités de leurs enfants et ces parents là « portent » les bambins, leur évitant la chute pensent-il sans douter un instant du bien fondé de leur « protection ». Mais ceci est une digression de plus!
A l’autre bout de la ligne de vie,
Regardez les vieillards, si fragiles, si tremblants si peu sûrs qu’ils ne franchissent plus le seuil de chez eux, s’enfermant, se recroquevillant sur des certitudes déjà passées ou inventées, comme pour éviter de regarder l’inéluctable réalité de leur « à venir ».
Ni les enfants ni les vieillards ne doivent trop douter, c’est vital pour eux.

D’ici à affirmer que nous sommes globalement plus souvent des enfants ou des vieillards qui s’ignorent, avançant sans aucun doute en suivant le derrière du mouton de devant, il n’y a qu’un pas que je refuse de faire!
Vous me connaissez, je vais éviter d’enfoncer les portes ouvertes!

Par contre qu’une porte soit entre-baillée, qu’une porte me paraisse close et hop, j’ai envie de regarder ce qui se passe derrière.
Et quand je passe le seuil, c’est toujours avec une dégoulinade de joie!

Hier par exemple, il fallait que je téléphone pour lever un doute.
Un doute que j’avais tranquillement cultivé depuis quelques jours.
Cultivé?
Oui, j’avais en premier « laissé faire ».
Et puis depuis la veille, alors que la graine germait, je remettais tout en question.
Tout.
Je doutais.
J’avais besoin d’éclairer le projet, de ne pas y laisser pousser des ronces dans lesquelles je risquais de me prendre les pieds.
Donc j’ai téléphoné pour « en savoir plus ».
Evidemment, à l’autre bout du fil la personne tout en entendant correctement fut un tantinet étonnée.
Me connaissant surprenante, étant pressée de surcroit, il fallait laisser un peu de temps de réflexion.
L’une doutait
L’autre doutait
Et ça c’était super.

Et quand le soir j’ai trouvé le message qui levait le doute, ce fut juste délicieux.
Il y a toujours une espèce de jubilation à passer le seuil.
J’ai partagé cette joie avec la personne, cette personne qui avait elle aussi franchi le pas vers l’inconnu.

L’inconnu.
C’est là que nous nous rencontrerons en live.
Par expérience je sais qu’il y aura des instants magiques.
Je n’en doute pas, c’est mon côté gamine facile à émerveiller
Et pourtant,
Sans en douter,
Je suis incapable de dire où et quand ces instants vont miroiter.
C’est finalement un peu comme partir à la chasse aux orchidées sauvages!

4 réflexions sur « Douter sans aucun doute »

  1. Loiseau Armelle

    Quel texte!!
    Moi qui doute tellement (je viens d’ailleurs de vous l’écrire dans un message il y a quelques minutes!!) lire vos mots me permet d’appréhender le doute sous une nouvelle facette.
    Petite on me disait « curieuse » avec cette tonalité de « dérangeante » pour les adultes. Je posais beaucoup de questions, je « mettais mon nez partout ». Le doute a certainement été un des facteurs qui ont fait de moi cette petite fille « pénible » pour les adultes qui m’entouraient.
    Je vais regarder mes doutes d’une autre manière tant qu’ils ne deviennent pas, comme parfois, déstabilisants avec cette sensation que vivre dans ce monde demande une adaptation trop exigeante.

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    1. Joelle Auteur de l’article

      🙂
      Douter.
      C’est parce que je doute, parce que jamais ni aucune croyance, ni la possibilité « d’être forte », ni celle « d’être meilleure » ne m’effleurent devant un chemin qui s’ouvre, que finalement j’arrive à franchir le passage.
      Parfois j’ai besoin de temps.
      Dans le billet « joindre » j’écrivais récemment cela : « J’ai suivi des sentiers de chèvres en sachant qu’ils débouchent seulement sur des sentiers de chèvres, parfois en extrême bordure de falaise, là où le passage se réduit souvent à une dizaines de centimètres contenant difficilement ma trace et risquant de s’ébouler sans prévenir. Suivre ce genre de sentier, c’est toujours se questionner en paix, s’apprêter à faire demi-tour, évaluer une possible sortie escaladée par « le haut » et néanmoins considérer le choix possible d’avancer plus loin avec sagesse, sans adrénaline dangereuse, juste calme et déterminée, sur le fil comme un funambule.
      Jamais je n’encouragerais personne à faire de même, pas plus que je me risquerais sur les traces de certaines jeunes téméraires dont je n’ai plus du tout l’âge. »

      Nous en reparlerons certainement 🙂
      Merci d’être passée sur ce blog et d’avoir laissé une empreinte 🙂

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  2. Frédérique

    Ça alors… moi qui doute de moi-même trop souvent à mon goût, je trouve étonnant que le doute soit bénéfique ! 😀 Et plus que cela, indispensable et très très bénéfique ! Assurément, c’est encore mon besoin de contrôle et de savoir où je vais… du coup, je vais aborder le doute d’une autre façon, comme un exercice 🙂 Merci de ce partage !

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    1. Joelle Auteur de l’article

      Vraiment, il est urgent de mettre le doute à la mode, particulièrement le doute de soi-même!
      Oui.
      Je te remercie d’avoir commenté en m’offrant ainsi la possibilité de poser plus d’exemples ( que j’avais écartés afin de ne pas alourdir le billet)

      En absence de doute, la curiosité s’étiole.
      Grâce au doute, elle est piquée sans cesse et il est commun d’affirmer que pour garder une connaissance en mémoire, il est indispensable de l’avoir oublié au moins une fois et de l’avoir cherchée et de l’avoir mise au monde une nouvelle fois. Parfois, il est nécessaire de s’y reprendre à quatre, cinq reprises ou plus.
      Combien de fois vais-je vérifier mes connaissances avant de les partager, avant de les posséder si fermement que je suis certaine de ce que je raconte? Et quand bien même je suis certaine, il m’arrive de vérifier encore histoire d’être plus que certaine : le temps passe si vite que tout change et qu’une vérité d’un jour peut s’avérer fausse le lendemain…
      Autre exemple : douter d’avoir bien fermé la maison. Pour ma part c’est que je suis sortie avec mille pensées en tête et en fulgurance le doute passe « ai-je bien fermé? » et hop les milles pensées dansent leur ronde infernale pendant que je vérifie la serrure, donc sans la moindre attention. DU coup, il m’arrive de douter une fois de plus « ai-je bien fermé » et là je remercie le doute de me faire atterrir une bonne fois. je vérifie en faisant très attention, en vérifiant en conscience… et hop, je suis certaine et je peux partir en paix.
      Quant au besoin de contrôler, il est assez vite modéré dès l’instant où une forte attention est portée vers la puissance de l’imprévisible. Je répète qu’on peut tout prévoir, sauf ce qui est imprévisible. Du coup, après avoir beaucoup douté afin de prévoir tout ce qui est prévisible (à moi-je avec les compétences de moi-je), je prévois un sac où je fourre tout l’imprévisible et je pars sereine! 😀
      En fait…J’ai vraiment confiance dans l’impermanence et dans l’imprévisible! 😀

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