S’émerveiller


S’émerveiller est tendance.
Après « accompagner »,
Après « bienveillance »,
Il se pourrait que le mot s’érode doucement à l’instar du verbe « aimer » dans « la Grammaire est une chanson douce » d’Erik Orsenna.
J’ai tellement envie de le garder, ce mot là, ce mot « émerveiller », de le garder tel quel, avec tout ce qu’il signifie pour moi…

Ce matin point d’agacement en ouvrant ma fenêtre sur les réseaux sociaux, point d’agacement en suivant le lien proposé par une amie, un lien vers Bighorn Studio et la présentation d’un film multi-primé nommé « S’émerveiller ».

Ni une ni deux, je suis partie en vadrouille sur la toile, j’ai cliqué avec compulsion, sous la contrainte de ma curiosité folle, attirée par la recherche d’une saveur de découverte, à la recherche d’émerveillement.
Qu’allais-je pouvoir écrire qui ne l’est point encore?
Qu’allais-je pouvoir partager à ce sujet?
Comment dire avec mes mots ce que signifie ce mot « émerveiller » si précieux à mes yeux que déjà je le vois s’envoler, pressé de toutes parts.

J’ai été débordée.

Il reste quelques lignes de présentation d’un livre que je ne lirai pas.
Un ouvrage qui est sorti cette année, sous la plume d’une romancière universitaire qui possède déjà une longue page wiki, une femme sans aucun doute merveilleuse.

« Parfois le silence règne, nous sommes paisibles et concentrés, la lumière est belle et notre regard vigilant : alors l’émerveillement nous saisit. D’où vient ce sentiment fugitif ? Il ne résulte pas forcément de la nature grandiose de la situation ou du spectacle. Souvent c’est un état intérieur favorable qui nous permet de percevoir une dimension secrète et poétique du monde. Soudain on vit pleinement, ici et maintenant, dans le pur présent. Cette disposition intime est une conséquence du désir de vivre et de la faculté de joie. 
Le risque de l’enténèbrement a frappé notre époque mais il faut d’autant plus persister à évoquer l’émerveillement. Car la construction du bonheur, le respect de chaque vie précaire, précieuse et susceptible d’accueillir les plaisirs en même temps que le labeur, sont la marque de notre conception de l’existence. Ici est notre séjour, y porter un regard attentif est le plus sûr remède contre le nihilisme. »

Belinda Cannone, S’émerveiller, Stock 2017, ISBN 9782234080362

S'émerveiller

Par chance, j’ai une image en stock, une image de ciel comme le ciel des matins de ces jours-ci, du ciel au dessus du toit de la maison du fond de l’impasse.
Avec les yeux brillants d’une gamine, je la pose en tête de ce billet.
Elle est de « moi-je » cette image!

L’impuissance se danse,
La non toute puissance
Oblige à chercher la lumière où elle est,
Et la lumière
Force l’émerveillement.

7 réflexions sur « S’émerveiller »

  1. KaMaia

    Je passe trop vite à mon grand regret, prise par le tourbillon de ma réalité actuelle mais tes mots résonnent. Et je découvre cette auteure que je ne connaissais pas.

    Émerveiller, s’ émerveiller, est-ce que ce ne serait pas un instant de pleine conscience qui suspend le temps d’un instant la réalité pour nous faire toucher du doigt, fugitivement, la grâce ?

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    1. Joelle Auteur de l’article

      Quelle belle question KaMaia, quelle grande question!

      Que dire?
      Je ne sais pas ce que signifie « réalité » dans ta phrase.
      Si, dans la vie, il est possible de suspendre la réalité, c’est qu’il est possible de définir autre « chose » que la réalité… Qu’est-ce que c’est donc la réalité pour toi?
      De mon point de vue, la vie est une et indivisible.
      Il faudrait aussi se mettre d’accord sur la signification du mot « merveilleux », il est déjà bien fatigué ce mot, souvent réduit à sa plus simple expression, dépourvu de ses racines, de son histoire, de son évolution.
      Bref… c’est cool de lire que mes mots résonnent, merci.

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      1. KaMaïa

        C’est vrai que « merveilleux » est un mot un peu fourre-tout. J’ai jeté un oeil sur l’étymologie et on y retrouve le verbe latin mirare, « s’étonner de », « admirer ».
        Plusieurs options : On s’étonne et on admire / On s’étonne d’admirer / On admire en s’étonnant / et sans doute plus encore
        Pour moi, ce serait la troisième phrase qui résonne le mieux pour le sens de s’émerveiller.

        Quant à la « réalité » dont je parlais, je l’entends au sens de l’expression « trivialité d’un quotidien auquel on ne prête plus attention ». On est (je suis) dans la vie concrète, triviale, on passe, on roule en voiture sans même prêter attention au ciel et au coucher de soleil et puis, le temps d’un instant on le VOIT, et on est frappé, et on s’émerveille.
        C’est ce que j’appelle des petits moments de grâce et j’ai plaisir à les croiser au détours de la vie quotidienne que je traverse pour me rendre au but du moment, de l’heure, de ma journée sans être toujours pleinement et consciemment dedans.

        Je n’arrive pas à être en permanence pleinement consciente. Mais la faculté de m’émerveiller, je constate que je l’ai. Et ça me rend heureuse, voire ça m’émerveille ! 😉

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        1. Joelle Auteur de l’article

          🙂

          J’ai bien fait de poser la question du sens. Merci pour ton éclairage au sujet de la définition mise en face du mot « réalité ».
          C’est juste délicieux de te lire et je suis gourmande. 🙂
          Comprendre « le monde » passe inexorablement par ces instants non ordinaires où il est question de « comprendre l’autre », c’est à dire de lui faire préciser sa pensée jusqu’à parvenir à « accrocher » une longueur d’ondes approximativement commune. C’est une véritable aventure au long cours!
          Et c’est une aventure qui n’existe que « grâce » à « l’autre ».
          Oui, C’est juste délicieux de te lire et je suis encore plus gourmande.
          🙂

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          1. Frédérique

            Cela me rappelle cette fois où j’avais sollicité tes lumières, Joëlle, sur le lâcher-prise 🙂 A ce moment-là, c’était l’injonction à la mode du moment.
            L’émerveillement est pour moi synonyme de spontanéité et complètement contraire à l’injonction (avis personnel). Autant parfois l’intention compte, autant je trouverais bizarre de me dire « aujourd’hui j’ai l’intention de m’émerveiller ». Comme KaMaïa, j’ai beaucoup de mal à être pleinement consciente 100% de mon temps, mais je suis heureuse de savoir que j’ai la capacité de m’émerveiller… et puis… et si ces moments de non-émerveillement étaient justement là pour faire ressortir ces moments d’émerveillement, les souligner afin de les apprécier ?

  2. Sophie

    Oh comme je t’aime et comme j’aime cette écriture qui s’approprie les mots passionnément… Merci pour ce retour
    En ce moment pour moi, les mots ont du mal à venir sans être accompagnés d’une émotion débordante, mais l’émerveillement est là et chaque détail peut me toucher avec profondeur. Mon médecin, psy, ami, appelait cela « la révélation ». Ça rejoint l’extrait que tu as choisi.
    🙂
    Il y a qq années tu avais parlé d’une émission de radio qui recevait un homme Denis Marquet pour parler éducation. Son livre « nos enfants sont des merveilles ». Je m’en vais voir le livre dont tu nous parles.
    Belle journée

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