De la sensation d’être utile


Dimanche dernier, après avoir écrit à un ami au sujet d’une profession dans laquelle j’aurai pu m’enfermer parce qu’il est souvent confortable de rester dans un cocon, cachée sous l’étiquette dont les gens vous affublent, le téléphone a sonné.

C’était un appel à l’aide.

Ni une ni deux, j’ai saisi au vol le nécessaire et j’ai couru à la vitesse de mes jambes pas réveillées pour frapper à la porte d’un « ancien voisin » qui habite aujourd’hui à 900 mètres, quelques pâtés de maison plus loin.
Sur le chemin du retour, j’ai savouré avec gourmandise l’impression de mission accomplie.
C’était si délicieux.

La journée s’est achevée sur la même note, après d’autres activités qui m’offrirent l’occasion de me sentir utile.

De fait, j’avais ce billet en tête, parce qu’évidemment, ma réflexion s’est envolée bien plus loin, jusqu’au monde laborieux et vers tous ces « travailleurs » qui ne trouvent plus de sens à leur boulot.

Hier, en regardant une vidéo partagée, je notais une fois de plus ce questionnement au sujet de la sensation d’être utile, je notais ce questionnement suite à ces quelques mots « (…) on m’a mis dans une case(…) j’en pouvais plus (…) il s’agissait de convaincre des convaincus (…) ».

Le besoin de tenter le périlleux exercice des mots s’est fait plus imposant, alors, voilà.

Avant d’aborder la sensation, il faut tenter de définir « être utile »
Je dirai qu’être utile, c’est permettre une amélioration.
En ce sens, littéralement, tout peut être utile.
Même si l’avantage apporté est minime, une chose qui l’apporte est « utile ».
Le mot « utile » est donc tout à fait relatif, il ne prend sens que dans un contexte, que par rapport à autre chose.
Ce qui est utile favorise l’accomplissement d’un projet, être utile, c’est contribuer à l’accomplissement d’un projet.
La tentation est grande d’associer les mots « utile » et « nécessaire » parce que ce qui est inutile ne répond à aucun besoin. Pourtant il est important de distinguer le « nécessaire » qui répond à un besoin de « l’utile » qui se contente d’apporter un peu de facilité à la réalisation d’un projet.

Par exemple, si j’ai besoin du contenu d’une boite de conserve, je dispose de tout un tas de moyens pour accéder au contenu qui m’est nécessaire. Un ouvre boite est un outil qui se révèle très utile pour ce faire, mais pas du tout indispensable.

Avoir la sensation d’être utile s’associe parfaitement avec le non-héroïsme.

Avoir la sensation d’être utile peut être une réalité dans un certain contexte, une réalité qui s’estompe avec le temps en devenant petit à petit une idée dépassée.
Ainsi dans le boulot, il est possible de se sentir vraiment utile puis cette sensation s’estompe et vient le temps où la question se pose de savoir ce qui nous pousse à aller bosser chaque matin.
Ainsi dans la vie de famille, il est possible de se sentir vraiment utile, puis cette sensation s’estompe et vient le jour où la question se pose de savoir ce qu’on fait dans cette famille là.
Ainsi, etc…

Pour avoir la sensation d’être utile, il est indispensable d’apprendre à se connaitre.
Parce que plein de gens sont capables de nous dire « C’est bien ce que tu fais, c’est vraiment utile » alors même que nous avons la sensation globale de ne rien faire de vraiment utile.

Ce qui compte, en vrai, c’est notre sensation, notre impression, la nôtre.
Et « tout va bien » lorsque notre impression est en harmonie avec celle que les autres nous renvoient.
Que « les autres » nous racontent le meilleur, si nous avons la sensation du contraire, un malaise demeure.

Il faut petit à petit prendre conscience de nos dons, de nos talents.

C’est grâce à une famille qui nous laisse libre de tester nos aptitudes, c’est grâce à une intuition, c’est grâce à une rencontre, c’est grâce à la confiance qu’une personne nous accorde que nous parvenons à cette prise de conscience… pour peu que nous décidions d’y parvenir, même inconsciemment.

C’est parfois très long.
Très long.
Exigeant.
Très exigeant.

Et puis, un jour, un jour enfin vient le temps où la sensation de pouvoir être utile nait ou re-nait.
Alors, tout devient possible.
Et ce jour là, il est urgent de noter précieusement une injonction indispensable : S’ennuyer, quel bonheur!

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