« Une saveur s’affirme doucement depuis le retour.
Celle de la dragée.
La vraie dragée, celle des baptêmes et des mariages de mon enfance
Le « bonne »dragée
Qui contient une grosse amande.
De cette gourmandise de « fête sacrée »
Que je laissais fondre patiemment
Jusqu’à sentir le rugueux de l’amande
Ce rugueux de la peau brute, dont la texture
Se dévoilait au fur et à mesure que le sucre fondait.
Puis, je sortais le fruit de la bouche
Pour « le voir », le découvrir, en ôter la peau
Et le goûter encore, trouver le lisse sur les papilles
Avant d’achever
Avant que les sensations ne deviennent souvenirs
Mêlés,
De sucré, de rugueux, de lisse, de subtil
De l’amande, de la dragée, de la fête
C’est bien le temps passé qui fut savoureux! »
in Passage de vies, Editions l’instant Présent, 2008, ISBN 078-2-916032-10-8
8h58
TER 67266
11H47
3854
006-36
16H32
Quelques chiffres pour déjà entrevoir la fin de la parenthèse Biarrote après mon arrivée à Hendaye.
J’ai systématiquement besoin d’un moment entre parenthèses au retour d’une aventure quelle qu’elle soit, que ce soit une aventure de quelques heures, de plusieurs jours ou de plus encore.
C’est une respiration indispensable.
Il peut s’agir d’un temps de silence dans la voiture arrêtée, c’est possiblement une longue errance dans la zone « neutre » d’un aéroport, c’est pourquoi pas, un voyage en train.
L’essentiel est entièrement contenu dans l’identification de la zone « entre parenthèse ».
Dans cet espace, tout est possible, c’est un entre-deux, un espace où mon costume est indéfini, où je suis en état de suspension avant re-constitution.
J’aime infiniment cet état.
Il répond entièrement à l’adjectif d’extra-ordinaire tant il est rare et tant je le protège comme quelque chose de très, très précieux.
C’était une chance de pouvoir vivre cette parenthèse à Biarritz, sous un ciel chargé, dans une ville déserte, hébergée dans une maison historique.
J’ai passé la journée à déambuler, à regarder les vagues aller, venir, s’écraser, éclabousser, s’envoler en mille particules d’embruns, vivre.
J’ai passé la journée à rêvasser, à regarder l’horizon, se voiler, se découvrir, essuyer les grains, se couvrir et s’illuminer, vivre.
J’ai passé la journée, le nez vers le ciel, à regarder les oiseaux marins, piquer, décoller, planer, voler, plonger, vivre.
Des milliers de pensées se bousculaient et passaient.
J’avais amassé un bouquet de métaphores suffisant pour éclairer mon quotidien pendant plusieurs mois.
L’après-midi, je suis partie à l’assaut du phare.
Un sommet si vite atteint.
Mais le sommet local.
Prendre de la hauteur élargit toujours le point de vue.
Et j’ai encore marché, marché.
Enfin, la fin était proche.
Manger une glace.
Acheter des espadrilles dorées
Faire provision de gourmandises à offrir
Et aller pour un ultime diner dans la maison basque.
8h58
TER 67266
11H47
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006-36
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Sur la dernière page griffonnée par l’escapade 2017, juste après les chiffres, il y a cette phrase :
« Chacun peut trouver un sens à sa voie. »
Peut-être?
Je ne sais pas « pour les autres ».
Hier soir, « comme par hasard » un bouquin s’est posé entre mes mains. Je l’ai dévoré, trouvant noir sur blanc toutes les questions qui m’habitent, illuminées par des éclairages auxquels je n’avais pas pensé, prenant racine dans notre histoire. Une histoire dont je suis bien incapable d’embrasser la totalité, ce qui m’offre la chance d’apprendre encore et toujours.
Quel bonheur que de pouvoir rencontrer, lire, découvrir « les autres » pour comprendre toujours plus loin.
J’avais envie de trouver une petite phrase dans ce livre tout fraichement ouvert, il y en a des dizaines qui pouvaient faire l’affaire.
Je dirais que chaque petite phrase posée au cours de ce « feuilleton » étant toujours une invitation à découvrir un bouquin, un auteur et ce qu’il y a autour, il en va de même pour cette dernière :
« Je mets donc mon espoir dans l’idée qu’en développant une autre image de notre vie mentale, une image qui rende justice à notre nature d’êtres sociaux, nous serons capables de mieux comprendre les conditions de possibilité d’une véritable individualité – une individualité sociale échappant au solipsisme et enracinée dans des pratiques qui nous incitent à la coopération mutuelle. L’individualité n’est pas une donnée mais un objectif à atteindre, et nos efforts dans ce sens ne peuvent se passer de la contribution de nos semblables. »
Matthew B. Crawford, Contact, traduit de l’américain par Marc Saint-Upéry et Christophe Jaquet, Editions La Découverte, 2015, ISNB 978-2-7071-8662-1
A plus loin…
Encore un sourire 🙂 Cet extrait de Passage de vies, dans lequel je me retrouve complètement et entièrement : car c’est exactement et précisément ainsi que je savoure une dragée 😀 un des rares bonbons que je mange.
Quant au livre évoqué ici et lors de ma visite, il fait déjà partie de ma liste d’idées pour la fin d’année à venir 🙂 Le quatrième de couverture m’a vraiment intriguée et l’idée d’un mécanicien philosophe, amateur de motos de surcroit, a tout pour éveiller ma curiosité 🙂 Avec les 3 autres que tu m’as sélectionnés, ça en fait de la lecture 😀
Merci pour ces récits, ces citations, ces partages, ces gourmandises qui, en tout cas me concernant, m’amènent un peu plus loin.
Merci à toi.
Merci.
Ce genre d’exercice d’écriture publique, comme tout forme d’exercice et plus encore, met en exergue la toute puissance de la présence de l’autre dans la capacité que nous avons à avancer plus loin.
C’est une gourmandise de découvrir les commentaires, une gourmandise délicieuse et nourrissante à la fois.
🙂
Et… C’est vraiment un super bouquin! A la fois facile et rude, éclairant et questionnant… Que du bonheur, quoi! 🙂