C’était au siècle dernier, mes cheveux étaient encore auburn très foncé.
Pour une unique aventure et pour la seule fois de toute ma vie sportive, j’avais accepté l’idée de servir de panneau de publicité.
Il faut dire que le slogan était tout à fait acceptable : « Va où tes yeux te mènent »
Hier, dans la nuit, je cherchais un titre en vue d’un billet du jour. Cette petite phrase est arrivée, ramenant à ma mémoire une époque révolue, celle des jours où je courais éperdument, où les photographies étaient encore stockées sur papier glacé et où personne n’imaginait qu’arriverait aujourd’hui et son inondation de selfies impalpables.
Voilà pour l’anecdote.
Va où tes yeux te mènent.
Tous les enfants gardent le souvenir de cette injonction qui leur interdit de montrer du doigt dès qu’ils ont atteint « l’âge de raison ».
Car les bambins n’ont de cesse que de pointer leur doigt.
Et les adultes raisonnables n’ont de cesse que de nommer ce qu’ils imaginent voir au bout.
Et ils le font sans jamais se mettre à la hauteur du regard du bambin.
Il faudrait pour le faire se baisser, se courber, s’incliner.
Il faudrait pour le faire avoir du temps à perdre, serait-ce vraiment raisonnable ?
Je ne sais pas.
Ce que je sais de manière certaine, c’est que mes yeux m’entrainent , me mènent dans des dédales très personnels.
Ce que je sais, c’est que chacun ne peut voir que ce qu’il cherche, et que sans la curiosité aiguisée du gamin qui dort en nous, il est facile de se recroqueviller dans un monde « sécuritaire » où tout est repéré, « connu » et reconnu comme prévisible. Il y a dans cette attitude quelque chose de l’ordre de la croyance.
Croire est tellement rassurant, que la plupart des enfants finissent par croire tout ce que racontent leurs parents, ce que les autres disent, ce qui se dit, etc…
Ce que je sais, en plus, c’est que les arcanes de mes pensées s’enrichissent chaque jour grâce à ceux et celles qui m’offrent leurs regards et m’invitent à chercher plus loin, dans d’autres sens.
Va où tes yeux te mènent.
Déjà, à l’époque lointaine de la photo d’hier, je trouvais dans le moindre galet parfaitement lissé toute une histoire à raconter, le temps ne fait qu’apporter d’importants détails au courant de l’histoire.
Jamais rien ne se perd, la toile se tisse, infiniment.
Et entre les lignes, il y a
Il y a ce que le bambin pointe du doigt,
Une curiosité jamais satisfaite,
Il y a « mon » monde.