Dans son autobiographie « la nacre et le rocher » (1) un remarquable philosophe prend soin, à de multiple reprises, d’expliquer sa démarche :
» (…) Je souhaite recevoir de mon lecteur attention et amitié, comme je souhaite lui offrir attention, liberté et joie.
On le voit, l’autobiographie n’est pas anonyme et conceptuelle, elle est relationnelle et concrète. (…) Elle vise aussi par essence, un accroissement de la lucidité et de la connaissance. En s’efforçant de rendre compte de la genèse d’une pensée, elle en appelle à la réflexion et à la connaissance. et cela aussi bien chez l’auteur lui-même que chez le lecteur. «
Nous sommes d’accord, aucune comparaison n’est possible entre un mastodonte de la production philosophique, fusse au sujet de la joie, et une écri-vaine loisirante de ma trempe.
Et puis, un billet sur un blog est loin de faire le poids face à une « autobiographie ».
Le fait est.
Le fait est cependant que parlant toujours au nom de « moi-je », relire ces mots sous la plume d’une illustre personne m’a permis de voir sur cette question le reflet que j’aimerais renvoyer, bien loin de ce que certains pourraient juger comme une prétention à l’exhibition.
Il faut bien avouer qu’écrire au vent est un véritable risque, il me place d’emblée devant la possibilité d’être lue par un quidam. Mon intense besoin de prévoir ce qui est prévisible m’a mille fois posée face à cette prise de risque juste folle : n’importe quel passant peut s’approprier « mes » mots, les réfracter, y réfléchir et les redessiner sur n’importe quelle onde, sur n’importe quelle comète.
Car « mes » mots, choisis avec attention, scrutés jusqu’au fin fond de leurs racines, posés avec circonspection, souvent accrochés au bord d’improbables ellipses, « mes » mots une fois écrits noir sur blanc deviennent des mots banaux que tout un chacun peut attraper pour faire ce dont il a besoin d’en faire.
Voilà quel était mon thème de réflexion cette nuit, dans ces heures du milieu de la nuit où jamais je ne dors, dans ces heures où j’écris.
J’écris… oui,
Comme je l’ai récemment expliqué à un ami, à certains moments précis j’écris, par la grâce d’une plume à encre invisible, les pleins et déliés d’une pensée qui prend forme sur un papier impalpable.
Douce folie peut-être sage… Qu’en sais-je?
Je sais que jamais je ne lis mes ouvrages une fois publiés.
Très rarement devrais-je dire pour être tout à fait précise.
Car il arrive que j’y plonge pour y cueillir la source d’un reflet, pour y chercher l’écho d’un écho et parfois pour remonter « une preuve », « une preuve » du genre de celle qu’un enfant sait exhiber quand il est fier de son oeuvre, même si la notion d’oeuvre est toute relative.
Et c’est lors de ces plongées qu’apparaissent d’étranges reflets et certaines fulgurances comme seul le monde sous-marin sait en offrir.
Toujours, le souvenir de la sensation perçue dans l’instant de la perception irradie aussi longtemps que je refuse d’en faire le tour.
Ainsi un simple commentaire peut m’entrainer infiniment loin.
Tellement plus loin… comment l’expliquer en conservant l’entière complexité de « plus loin »?
Je ne sais vraiment pas.
Il me manque vraisemblablement l’étoffe et l’érudition des savants que j’admire.
Alors, pour jouer, comme pour danser une ronde, afin de fermer la parenthèse commencée avec une citation, j’achève ce billet avec une citation tirée de « l’homme-joie » (2)
« Nous avons, vous et moi, un Roi-Soleil assis sur son trône rouge dans la grande salle de notre coeur. Et parfois, quelques secondes, ce roi, cet homme-joie, descend de son trône et fait quelques pas dans la rue. C’est aussi simple que ça. »