Les sens de l’être (8)

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Dans l’épisode (6), les huit directions de la Voie Royale vers « Deviens qui tu es » ont été listées.

1 – S’imposer une attitude juste, envers les autres autant qu’envers soi-même
2 – Apprendre chaque jour et acquérir de l’expérience pratique dans les disciplines étudiées.
3 – S’établir fermement et tranquillement dans “ici et maintenant”
4 – Avoir conscience de la nécessité de la respiration.
5 – Se détacher des conditionnements et de l’environnement
6 – Garder de l’attention envers tout ce qui traverse l’esprit (pensées, sensations, émotions) et cependant, ne pas s’y attacher
7 – Etre présent à soi-même en cultivant la conscience des multiples présences dans le monde alentours
8 – Etre

Quand j’étais écolière, je détestais  « faire des explications de textes » car bien que formidablement sensible à la prose et à la poésie, j’étais capable de raconter mes sensations, mais totalement incapable de raconter ce qu’avaient pu être les idées de l’auteur des passages à « expliquer ». Je m’insurgeais avec détermination en refusant l’interprétation faite par l’enseignant puisque cette personne, que j’avais en face de moi, n’avait jamais connu l’auteur et de mon point de vue, n’avait jamais eu aucune chance de recueillir ses propos en direct… Alors j’étais incapable de comprendre sur quels critères il était possible de juger « mon » interprétation plus fausse que la sienne.
Des années se sont écoulées, et depuis, j’ai découvert que ces textes « qu’il aurait fallu expliquer comme l’enseignant en avait décidé » étaient des bribes d’oeuvres, et parfois même des bribes détournées de leur contexte. Heureusement que je ne le savais pas en étant gamine, j’aurais été, aux yeux de l’éducation nationale, plus insupportable encore!

Il en va tout autrement aujourd’hui : tenter d’expliquer ce que j’ai pu raconter « moi-je » m’amuse parfois.  J’ai appris que chacun n’entend ce qu’il a  besoin d’entendre et ça me va bien.

Expliquer l’interprétation des différentes traductions listées ci-dessus est donc un plaisir.

1 – S’imposer une attitude juste, envers les autres autant qu’envers soi-même

Retrouvée sous une forme ou une autre dans tous les livres « de morale », cette direction bien difficile à suivre est universellement connue, recommandée et parfois indiquée comme « sens obligatoire » au sens indéfini. Il me semble qu’elle ne devient sensée que pour ceux qui ont déjà expérimenté les autres directions. C’est mon avis.

2 – Apprendre chaque jour et acquérir de l’expérience pratique dans les disciplines étudiées.

Toutes les religions du monde imposent l’étude comme un devoir. Tous les enfants du monde apprennent chaque jour et acquièrent de l’expérience pratique de manière autonome et spontanée jusqu’au jour où les adultes exigent d’eux une certaine discipline. Tous les adultes que je rencontre sont à la recherche d’une discipline qui leur permette d’échapper au poids des disciplines qu’ils subissent.
La posture est une solution parmi d’autre.
Il suffit de disposer d’un instant pour élargir le temps d’une posture.
Il suffit d’un regard d’enfant pour l’expérimenter.
Eplucher les légumes est une posture dynamique comme une autre. Il suffit de prendre le temps nécessaire à la décortiquer.

3 – S’établir fermement et tranquillement dans “ici et maintenant”

Autrement dit : ceci est une voie magistrale vers laquelle aller en restant « ici et maintenant ». Il me semble qu’elle ne devient sensée que pour ceux qui ont déjà expérimenté les autres directions. C’est mon avis.

4 – Avoir conscience de la nécessité de la respiration.

Il suffit d’avoir une seule fois posé la question au quidam qui passe : « Qu’est-ce qui est le plus indispensable à la survie? » et d’avoir noté sa réponse  » Boire évidemment! » pour mesurer à quel point il est important d’avoir conscience de la nécessité de la respiration.
Qu’est-ce que la respiration?
C’est un va et vient.
C’est un plein relatif suivi d’un vide relatif.
C’est un manque suivi d’un excès.
C’est un constant mouvement, plus ou moins lent, plus ou moins saccadé, plus ou moins maîtrisable, un constant mouvement de l’un vers l’autre.

5 – Se détacher des conditionnements et de l’environnement

Magnifique et formidable direction pour laquelle je m’abstiens de tout commentaire, les deux adjectifs précédents étant suffisamment riches de racines.

6 – Garder de l’attention envers tout ce qui traverse l’esprit (pensées, sensations, émotions) et cependant, ne pas s’y attacher

Cette direction est assez simple à suivre. Au début on s’y engage à petit pas parce que c’est assez astreignant de s’obliger à l’attention proche et lointaine. Petit à petit l’entraînement fait des siennes et finalement l’ivresse gagne, ce qui facilite grandement le détachement!

7 – Etre présent à soi-même en cultivant la conscience des multiples présences dans le monde alentours

Cette direction est parallèle à la précédente comme le sens de l’odorat est parallèle au sens du goût.

8 – Etre

C’est l’état « normal » de tout naissant et de tout mourant.

A suivre…

 

4 réflexions sur « Les sens de l’être (8) »

  1. Fred

    J’aime bien ta nouvelle tentative métaphorique ! J’avais déjà lu quelque part la métaphore du ciel et des nuages mais ta description en est bien meilleure :-D. merci pour cet échange. A tester de toute urgence !

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    1. JT Auteur de l’article

      Super! 🙂
      Je suis un peu déçue de n’avoir rien inventé (promis je n’avais pas déjà lu quelque part) mais super heureuse d’avoir proposé une description qui te parle. La balance penche donc largement du côté du plaisir. Merci 🙂

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  2. JT Auteur de l’article

    🙂

    N’oublions pas de recentrer afin de relativiser : huit voies ont été proposées à Arjuna par Krishna dans la mythologie.
    Une des interprétations possibles est celle que je propose.
    Une des explications de texte possibles est celle que je viens de tenter.

    Si le hatha yoga occidental est, parait-il, sorti du chapeau de la deuxième voie et si tu écris « tenir » la posture, il ne me semble pas avoir utilisé ce verbe. J’espère aborder quelques nouvelles postures dans le billet n°10, peut-être que ce sera un peu plus éclairant… ou non…

    La voie n°6 : moi qui était toute heureuse d’avoir trouvé la formulation qui exprime exactement ce qui peut se passer avec un peu d’entraînement. Comment dire?
    Voilà une nouvelle tentative plus métaphorique : Ce qui traverse l’esprit, c’est un peu comme les nuages qui courent dans le ciel. Peut-être faut-il tenter l’expérience suivante : s’allonger et regarder un ciel nuageux. Prêter une grande attention au premier nuage qui accroche le regard, dans tous les détails : sa forme sa vitesse, sa position, etc. Pendant qu’on porte de l’attention a sa vitesse, sa forme change, tandis qu’on remarque le changement de forme (donc qu’on lui prête ) nouveau de l’attention), c’est la position des autres nuages qui a changé et hop, le regard devient plus large pour porter de l’attention à l’ensemble des nuages et hop le nuage qui avait reçu la première attention reçoit à nouveau toute l’attention. C’est facile en regardant le ciel « en vrai »…. Dans notre mode de fonctionnement « normal » nous avons tendance à prendre des photographies et tout devient immobile et le nuage qui nous accroche et auquel on attache notre attention peut entièrement voiler le ciel, il peut même nous laisser croire que le ciel n’existe pas.

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  3. Fred

    Point n°4 : Magnifique ! Un voile de compréhension vient de tomber : bon sang mais c’est bien sûr que la respiration est encore plus nécessaire que boire ! J’aurais répondu comme le quidam moyen :-/

    Point n°2 : Je n’ai pas compris le rapport entre tenir une posture et apprendre chaque jour et accumuler de l’expérience.

    Point n°6 : Je suis toute ouïe quant aux conseils que tu peux éventuellement prodiguer sur cette « direction est assez simple à suivre » car personnellement, je la trouve loin d’être simple à suivre.

    Si je ne commente pas les autres points, c’est qu’ils sont hors de ma portée :-/

    Mais je me répète : tout ceci est bel et bon, mais ce ne sont que des mots, que j’ai beaucoup de mal à mettre en application. Cela reste abstrait, voire obscur (puissè-je frotter l’allumette qui illuminera ma pièce, cf. billet précédent), et tellement à l’opposé de tout le reste.

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