Les sens de l’être (2)

Dès qu’un nouveau-né voit le jour, il se retrouve allongé.
Après des mois passés lové dans l’utérus maternel, après s’être déroulé pour atteindre la  lumière, il est manipulé, puis allongé.
Il était protégé, à l’abri, en totale symbiose avec sa mère, il est soudain exposé à tout un monde de sensations tandis qu’une injonction est posée : « dort ».
Immanquablement, abandonnant son corps, le nouveau-né finit par s’endormir. Posé à plat, le dos allongé, sa tête se tourne à droite ou à gauche, ses bras prennent la posture de l’archer (un bras allongé le long du corps, un bras replié du coté de la tête tournée) et ses jambes s’ouvrent.

Pour ceux qui pratiquent ce qu’il est convenu d’appeler « le yoga »,  une forme moderne d’exercice physique inspiré d’un ancestral Hatha Yoga, rester allonger est d’une simplicité non-acrobatique.
Pourtant c’est de loin, l’une des positions les plus difficiles à maintenir en conscience.

Tout d’abord, tandis que l’apprentissage de ces exercices est conduit sur l’air de « ici et maintenant », il est commun de parler de « cadavre » au sujet de cette position, comme si un cadavre pouvait avoir conscience de « l’ici et maintenant »!
A ce paradoxe, il faut en ajouter un autre : s’il était question de redevenir aussi « offert », aussi abandonné qu’un nouveau-né, il serait question de laisser aller le corps, de tourner la tête, d’ouvrir les jambes, de laisser les bras s’orienter selon leurs réflexes archaïques.

Or, il est conseillé de garder la tête « droite », les bras le long du corps, les jambes tendues.  Une situation parfaitement non naturelle qui nous renvoie, bien des années en arrière vers cette autre position parfaitement non naturelle qui nous fut imposée le jour où nous sommes venus au monde.

Cette mise en situation du corps est d’une puissance formidable.
Non spectaculaire, apparemment terriblement accessible, elle en est presque méprisable.

J’invite chacun, dès lors qu’il souhaite commencer à visiter les arcanes de son mental à travers l’exercice physique, à commencer par s’allonger, tranquillement, avec attention.

Aligner.
Scrupuleusement s’aligner.
Consciencieusement s’allier avec le soubassement, en accepter les moindres creux, les pires dépassements.
Respirer patiemment.
Vivre intensément.
Devenir le roc, obtenir la fluidité de l’air, aller dans la musique du ciel.
Enfin, au bout de plus loin, s’étirer, re-être humain.

Simplement.

Au fait…
Les passeurs de traditions oublient souvent un « détail » dans leur application à faire appliquer des recettes : si personne ne sait exactement ce que pouvait être l’enseignement du hatha-yoga à l’époque de l’hypothétique Patanjali, je m’avance sans peur en affirmant que le béton n’existait pas plus que les dérivés du pétrole, les fenêtres à triple vitrages et l’air conditionné.

A suivre

7 réflexions sur « Les sens de l’être (2) »

  1. JT Auteur de l’article

    Peut-être aurais-je dû définir ce que j’entends avec ce mot « relaxation »?
    Mais peut-être pas.
    http://www.cnrtl.fr/definition/relaxation
    Peut-être pourras-tu, après avoir lu les différentes définitions, poser une nouvelle question, ou plusieurs nouvelles questions?
    En tout cas, je vois plusieurs questions et donc au moins autant de réponses, dont certaines sont de nouvelles questions… Arghhhhhhh… Pas taper, pas taper… 😉

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  2. Fred

    « aborder cette difficile posture autrement que sous l’angle de la relaxation est toute une aventure que je conseille vivement » : comment considères-tu que dans cette posture, tu vas au-delà de (ou fais autre chose que de) la relaxation ?

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  3. Fred

    Encore moi : OK, à la lecture de deux articles plus loin, je pense saisir le sens de ce dernier paragraphe 😉

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  4. Fred

    Une dernière chose : je ne comprends pas non plus le sens de ton dernier paragraphe. Comme je suis la seule personne à le dire, je me sens un peu… bête ! Evidemment je comprends les mots mais qu’est-ce que cela vient faire en chute de cet article ? Peux-u éclairer ma lanterne ?

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    1. JT Auteur de l’article

      Je viens de lire que « tu penses saisir le sens du dernier paragraphe »… Alors, je te laisse le com-prendre à ta manière, c’est juste ce qui est important 🙂

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  5. Fred

    « Consciencieusement s’allier avec le soubassement, en accepter les moindres creux, les pires dépassements. » Je ne suis pas sûre de saisir le sens de cette phrase. En fait je me demande ce que tu entends par soubassement et pourquoi il serait difficile d’en accepter les creux et dépassements.

    J’ai essayé cet exercice, ô combien de fois ! Une nouvelle fois encore pas plus tard qu’hier. C’est vrai qu’il est difficile de le faire en conscience. Les bruits environnants sont autant d’agressions et de tentatives de déstabilisation qu’il m’est difficile de gérer, d’ignorer. Sans parler du flot de pensées continu. Et souvent, très souvent, la détente procurée mène à la perte de conscience, à l’abandon, au sommeil. :-/

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    1. JT Auteur de l’article

      Wahoooooo, plein de commentaires le même jour MERCI! 🙂
      Bien évidemment, le terme « soubassement » est en premier un terme d’architecture : c’est la base, la partie inférieure de la construction. Le mot lui-même est une image, désignant ce qui est bassement dessous, invisible à qui ne voit que la brillance et pourtant essentiel pour obtenir l’élévation… Bref, un mot aux sens multiples et insensés comme je les aime. 🙂
      Concernant la « posture allongée » chacun est libre de considérer la base de la posture au niveau qui lui convient. Si la base est son propre corps, il faut bien accepter que certaines parties soient en contact et d’autres non, que certaines parties du dos ne rencontrent que l’écho « de rien » tandis que d’autres plus osseuses, plus saillantes s’irritent de la rigidité imposée par le sol.
      Si la base est autre que le corps, elle peut être l’enrobage, c’est à dire le vêtement qui entoure le corps, le matelas qui recouvre le sol et/ou le sol lui-même.
      Quelle que soit la vision du soubassement, donc de la base invisible mais présente qui permet l’élévation de la posture ;-), il y a un soubassement à considérer, puis à accepter pour que la posture permettent de relier (notion de joug, d’effort, d’abandon et d’objectif) et donc de devenir bien plus qu’une simple position…
      De mon point de vue, aborder cette difficile posture autrement que sous l’angle de la relaxation est toute une aventure que je conseille vivement 🙂

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