En marge 8
Quand ne subsistera de ce chemin d’écriture là, qu’un tas de papiers froissés, puis un « document ODT » clos parmi d’autres, et peut-être même un véritable livre encartonné, il est probable que d’autres projets verront le jour, je suis encore très, très loin de ce moment.
Une fois les papiers jetés, les photographies effacées, les livres rangés, il ne restera plus que l’empreinte subtile et invisible de tout ce qui aura été dépensé, lu, écouté, griffonné.
Elle dira le temps passé, le temps envolé, le temps passionné, les instants passionnants.
Hier soir, avant de m’asseoir pour écouter une très intéressante conférence, je parcourais les ouvrages présentés par l’orateur. Parmi eux, un livre plus épais et plus lourd m’attira. Je l’ouvris afin de découvrir ce qu’il cachait. Il compilait des reproductions d’images ternes, photographies de piètre qualité, dépourvues de texte, expliquant certainement de par leur agencement, quelques légendes chinoises qui m’étaient inconnues. Une passante fit de même et s’exclama à mon intention : « Et en plus il n’est pas cher pour un livre de cette qualité ».
Il aurait été vain de lui faire remarquer que l’objet se différencie de ce qu’il contient. Il était inutile de lui expliquer que si le livre était présenté en papier glacé sous une couverture rigide, son contenu n’avait certainement pas demandé une très longue réflexion. Il n’avait pas, non plus, sollicité la patte d’artistes vivants, exigeant une reconnaissance minimale pour leur oeuvre. Je ne lui répondis point.
Sur la même table, des ouvrages bien moins attirants, sous des couvertures non imagées offraient des textes d’une grande érudition. Ils n’étaient guère feuilletés. Ils étaient au prix « normal » pour ces livres « normaux ». Quelques fans achetaient le dernier ouvrage commis, celui au sujet duquel la conférence était donnée.
Le week-end dernier, en compagnie d’une auteure de best-seller pour parents, nous avions constaté que les livres qui font recette, sont précisément les livres de recettes. Certains éditeurs n’hésitent pas à en faire leur fond de commerce, quittes à en perdre leur âme. Nous avions rit en pensant que toutes les recettes gourmandes sont maintenant accessibles sur le web, nous ne comprenions pas ce qui pousse les gens à acheter sans cesse des livres de cuisine nouveaux et seulement ces manuels précisément.
Mais c’est ainsi.
Nous étions d’accord, il est important de cultiver l’humilité dans toutes nos entreprises. La plaisir d’écrire n’est rien d’autre qu’un plaisir. Les rencontres qui peuvent suivre sont de nouveaux plaisirs mais nous n’en sommes pas maîtres.
Il parait que les chinois n’ont pas encore totalement acquis la notion de responsabilité individuelle. Autrement dit, la notion d’ego est absolument indo-européenne! J’ai appris beaucoup de choses hier soir…