Couleur du temps

En marge 5

Quelques roses téméraires fleurissent encore, une anglaise blanche me frôle en sortant. Juste avant, j’avais salué les premières hellebores, immaculées… Couleurs claires sous le ciel pâle de novembre…

Dans la rue, les gens sortent leurs manteaux noirs, à moins que ce ne soient les manteaux qui les sortent…

Au coin du parc une feuille d’or plane, suspendue entre la branche et le bitume recouvert d’automne. De toutes parts, le feuillage est autant dans les arbres que sur le trottoir. Les pas font un bruit caractéristique dès que les pieds traînent un peu.

Il fait très doux, je suis simplement en chemise. L’écharpe de fin lainage flotte sur mon épaule.

Dans une autre époque où les images étaient rares, j’étais sous le charme de la plus belle robe que Peau D’âne n’ait jamais revêtue. J’imaginais la « couleur du temps » aussi merveilleuse qu’impalpable et aucun dessin ni aucun film n’a jamais pu me convaincre de la réalité de son image. J’aime les couleurs qui ne s’attrapent pas.

Les gens sont tous en manteau noir… Ou gris… Chaque année je note ce deuil dès que l’automne est installé, chaque année je me retrouve à contre-courant dès que sortent les écharpes…

Cette fois, tout est si semblable et si différent à la fois. Là-bas, au loin, dans la capitale, j’entends les éditrices s’agiter dans un sprint fou, il faut que tout soit bouclé ce soir! Je suis admiratrice de leur boulot et du coeur qu’elle sy mettent.

Ici, il me reste à choisir, il me reste à attendre… Il me reste à rêver…