Avancée

Passage de vies 5

Le planning de juillet était plus chargé que je ne l’avais espéré 6 mois plus tôt. Quelques engagements étaient incontournables.Ceux qui me connaissent savent que j’ai posé certaines règles, quant à mon ralentissement d’activité progressif, je ne saurai y déroger. Il restait à avancer dans l’écriture en acceptant les « distractions ». Je fixais au 15 août la date où le point final devait obligatoirement être définitif.

L’alchimie opérait cependant. Les pièces éparses trouvaient leur place comme par magie et c’était chaque jour plus étonnant.
Il y avait bien quelques liens à assouplir, mais c’était simple et plaisant.

La vue d’ensemble se précisait, le préambule s’affirmait! L’introduction, qui avait été grandement utile pour poser les bases de la réflexion, était dorénavant logiquement enfouie dans l’édifice. Il fallait donc rédiger une « ouverture » afin d’inviter les lecteurs à rentrer dans l’ouvrage. A plus d’un demi siècle de vie je goûtais, en jubilant, ce conseil littéraire qui demeurait jusqu’à présent une recette décevante: « on doit faire l’introduction à la fin d’une dissertation ». Je n’ai jamais oublié cette recommandation assénée dès le début de ma scolarité. Mais elle n’avait jamais pris sens. Il est un fait que j’ai toujours écrit d’une traite, que le brouillon tel que je venais de le réaliser était pour moi un inconnu. Incapable de recopiage, je m’étais évertuée plus d’une fois à « faire un brouillon » pour tenter de gagner des points. In fine, je rédigeais en direct live la version à faire noter! Je me cataloguais « scientifique » donc non-douée pour la chose littéraire.
Je mesure en souriant le chemin parcouru, le temps passé à sortir des cases, le plaisir d’être enfin entière.

A partir de ces jours, le sentiment de reconnaissance vis à vis de l’éditeur s’intensifia savoureusement. La mise au monde que je réalisais était une illustration fidèle de mon intime conviction : confiance et bienveillance sont indispensables! Avec le temps, le fruit mûrit.
Un jour, il tombe.
Succulent.

Alors, mes doutes de décembre s’envolèrent. L’important n’était plus ni « faire passer » un quelconque message, ni toucher un grand nombre de personnes. L’important, l’essentiel, je venais de le vivre. La suite ne m’appartenait plus. L’avancée était gigantesque. A la date prévue, j’allais rendre une copie sans la moindre attente. C’est un sentiment merveilleux et exaltant, difficile à définir en quelques mots et probablement incompréhensible pour qui ne l’a pas vécu.

Sous le soleil, papillon dans la brise, je planais.